Aujourd’hui, le Lycée international français de Vilnius, membre du réseau de l’enseignement français à l’étranger (AEFE), est la plus grande école internationale en Lituanie. Plus de 560 élèves âgés de 2 à 18 ans y étudient, dont 80 % sont lituaniens. L’histoire du lycée débute avec l’arrivée des premiers diplomates français en Lituanie; mais dès le départ, il a suscité un vif intérêt auprès des familles lituaniennes. Caroline Berthonnet, présidente de la première association des parents d’élèves, nous livre les origines de la création de l’école.
Impressions françaises à Vilnius en 1991 : tickets de rationnement, barricades et recherche d’une école
Les diplomates français sont arrivés à Vilnius au moment du rétablissement des relations diplomatiques. Jean-Charles Berthonnet est nommé premier Conseiller à l’Ambassade de France, créée en août 1991. Son épouse, C. Berthonnet, s’est immédiatement lancée dans la recherche d’un établissement d’enseignement pour leurs enfants.
« Nous sommes arrivés à Vilnius le 12 novembre 1991, après un long voyage de trois jours en voiture, avec nos enfants âgés de 3 et 5 ans. Nous nous sommes installés dans un appartement près du Parlement, dont les accès étaient encore entravés par des blocs de béton antichars. Nous étions très heureux d’être enfin arrivés, dans ce pays où venait de s’écrire l’Histoire et en même temps, envahis par une sensation étrange d’être très loin de la France (non reliés par téléphone sans passer par une opératrice). Obtenir les produits de première nécessité n’était pas non plus une tâche facile, nous devions nous procurer des tickets de rationnement alimentaire. Mais il fallait se mettre au travail et reconstruire les liens interrompus pendant cinquante ans », raconte M. Berthonnet.
Une famille française s’est vu proposer de rejoindre le jardin d’enfants de la 27e école secondaire (maintenant connue sous le nom de Gymnasium Jonas Basanavičius), où l’enseignement de la langue française était dispensé. Les enfants ont rejoint une classe dirigée par la professeure francophone Loreta Jankauskienė.
La même année, C. Berthonnet a contacté l’AEFE pour demander de l’aide dans la création d’une classe française : « Lors de mon voyage à Paris, j’ai compris que l’AEFE s’appuyait sur des Associations de parents d’élèves locales pour créer un embryon d’école et lorsque celui-ci paraissait viable, du point de vue de Paris, alors on commençait à s’intéresser à la procédure d’homologation”.
Peu de temps après, d’autres familles françaises sont arrivées à Vilnius. La même année, C. Berthonnet a fondé l’Association des parents d’élèves; l’a enregistrée à la préfecture de Paris et en est devenue la présidente. La première association comptait 4 familles, dont la diplomate lituanienne Violeta Baltrušytė. Son aide a permis d’établir des liens avec les institutions lituaniennes.
Le création de la « petite école française » et les enseignants courageux
Au début de la nouvelle année scolaire, l’association cherchait à créer des classes françaises. Selon C. Berthonnet, le directeur de la 27e école, Vytautas Andrėkus, était un véritable francophile et soutenait vivement cette idée. La recherche d’enseignants a alors commencé.
« Dans le magazine “Télérama”, nous avons publié une annonce afin de trouver trois enseignants. Nous avons reçu jusqu’à 200 candidatures ! En France il y avait un grand courant de sympathie à l’égard des pays baltes, qui venaient de se libérer du joug soviétique, et notamment pour la Lituanie, pour sa « révolution chantante » – se souvient C. Berthonnet.
Le processus d’embauche s’est déroulé par téléphone et par courrier. Finalement, trois enseignants enthousiastes sont arrivés à Vilnius. Annie Beaufils travaillait à la maternelle, Laurent Déchaut enseignait dans une classe commune de l’élémentaire et Francienne d’Estaleinx dans une classe du secondaire. Selon la fondatrice de l’école, le plus grand défi au début était la stabilité financière. « Il y avait très peu de Français. Leurs parents payaient les salaires des enseignants, s’occupaient de l’hébergement et des frais de déplacement », raconte C. Berthonnet. Pendant un certain temps, des enseignants à la retraite ont également travaillé bénévolement.
En septembre 1992, une classe de maternelle ainsi que deux classes d’école ont été ouvertes. L’ambassadeur Philippe de Suremain a envoyé un télégramme officiel au ministère des Affaires étrangères, informant de la création de la « petite école française » à Vilnius.
À l’époque, la maternelle accueillait 15 enfants (dont 13 Lituaniens et 2 Français), l’école primaire comptait 5 élèves (2 Lituaniens et 3 Français), et au niveau secondaire, il y avait 2 Français qui étudiaient à distance avec l’aide des enseignants (CNED). Les cours de musique, d’art et de sport étaient dispensés en collaboration avec les classes lituaniennes.
Depuis les débuts de l’école – le soutien des Lituaniens à l’éducation française
Dès le début, les familles lituaniennes ont volontiers choisi l’école française. Beaucoup d’entre elles étaient des diplomates qui avaient déjà fréquenté des établissements d’enseignement français dans d’autres pays. « Nos enfants ayant appris le lituanien en quelques mois en situation d’immersion, j’ai été renforcée dans l’idée de « profiter » de la présence d’enfants français pour permettre aux enfants lituaniens d’apprendre aussi notre « belle langue ». J’ai été très impressionnée par cette détermination de nombreux parents lituaniens à vouloir scolariser leurs enfants à l’école française. Ceci d’autant plus que certains enfants outre le lituanien, parlaient déjà le russe voire le polonais. L’attrait de notre système éducatif en outre, n’y était pas étranger, de même que le grand intérêt des Lituaniens pour la culture française”, explique C. Berthonnet.
De quelques élèves à la plus grande école internationale
Selon C. Berthonnet, le succès actuel du lycée a dépassé les attentes des fondateurs, bien qu’ils aient envisagé dès le début une école internationale destinée aux enfants de toutes nationalités et cherché à créer un établissement répondant aux exigences du système éducatif français.
En 1994, la première classe complète de CP a été ouverte avec 15 élèves. Avant de partir pour une autre mission diplomatique, C. Berthonnet a même pu assister à l’inauguration de cette classe. Elle explique qu’elle voulait s’assurer que l’école perdurerait même après leur départ, elle a donc recherché activement un soutien financier.
Plus tard, les fonctions de présidente de l’association ont été reprises par Florence Jourdain, secrétaire de l’ambassadeur, qui a mené avec détermination l’école vers l’homologation de l’AEFE. Le nombre d’élèves a augmenté. À partir de 2010, l’école était connue sous le nom d' »Ecole française Montesquieu de Vilnius » et fonctionnait dans de nouveaux locaux rénovés à Antakalnis, 13 r. Šilo, accueillant plusieurs centaines d’élèves. En 2021, un deuxième site du lycée a ouvert ses portes à 7 r. Subačiaus. Cette année-là, la 8e promotion de bacheliers a terminé ses études au LIFV..
Pendant l’exercice de leurs fonctions diplomatiques, la famille Berthonnet a également contribué à la création de classes francophones au Kazakhstan, mais ce sont les années passées à Vilnius qui ont laissé la plus forte impression : « J’ai toujours continué à suivre de loin le développement du Lycée français de Vilnius. Sa notoriété actuelle nous comble de joie et je suis très reconnaissante à tous ceux qui ont pris le relais et la font vivre par leur engagement de chaque jour », déclare-t-elle.
Le Lycée international français de Vilnius continue aujourd’hui de prospérer, offrant une éducation de qualité à un corps étudiant diversifié. Il est devenu un lieu d’échanges culturels et d’excellence académique, façonnant l’esprit des générations futures et favorisant une profonde appréciation de la langue et de la culture françaises.
Alors que nous célébrons le parcours remarquable du Lycée international français de Vilnius, nous rendons hommage à ses fondateurs, aux enseignants dévoués, aux familles qui le soutiennent et à la dynamique communauté lituanienne. Leurs efforts collectifs et leur engagement inébranlable ont créé un héritage durable d’excellence éducative et d’enrichissement culturel.
